De la liberté d'expression
Deux faits d'actualité ont récemment défrayé (et continue d'effrayer pour l'un des deux) la chronique.
Il y a d'abord eu Google, qui a annoncé l'ouverture d'un portail chinois (plus précisément un portail en Chine puisqu'une version chinoise de son site était déjà accessible). Cette annonce a été immédiatement critiquée dans le monde occidental (sauf par les investisseurs...), en particulier par Reporter sans Frontières qui écrivait le 25 janvier :
Plus précisément, que signifient ces trois paragraphes ? Les dirigeants politiques chinois ne permettent pas à leurs citoyens de s'exprimer ou de s'informer sur tous les sujets. Alors qu'en Europe on ne peut faire l'apologie du nazisme (une restriction à la liberté d'expression qui est peu décriée), en Chine de nombreux sujets à priori « inoffensifs » ne pourraient même pas être évoqués sans risquer de sérieux ennuis.
Les internautes Chinois recherchant des informations sur ces sujets devaient dont utiliser des moteurs de recherche accessibles de la Chine mais extérieurs à cette dernière, comme la version chinoise de Google. Dans ce cas aucun filtrage à la source mais supposément le passage à travers de multiples filtres et pare-feux gouvernementaux.
Maintenant, les Chinois seront redirigés sur le site Chinois de Google qui doit effectivement, s'il ne veut tout simplement pas être fermé par les autorités chinoises, s'adapter aux lois locales officielles et officieuses et donc censurer les résultats des recherches. Google a cependant annoncé que les internautes seront informés si le résultat a été censuré ou non, comme en Europe.
Presque tous les articles que j'ai lu sur le sujet mentionnent ce point mais aucun n'en tire la conclusion que j'en tire. À mon avis, cette indication fournie aux internautes est une véritable avancée. Pourquoi ? Les intellectuels chinois sont bien évidemment au courant qu'ils ne peuvent parler de démocratie par exemple. Par contre, au fur et à mesure qu'ils utiliseront Google, ils découvriront peut-être qu'ils ne peuvent parler de pollution des rivières (une simple hypothèse) et là naîtra le débat et la contestation du pouvoir; les internautes apprendront peu à peu quels sont les sujets dont le pouvoir souhaite contrôler le contenu. Je ne dirais pas que Google nuit à la liberté d'expression (après tout, il n'empêche personne de s'exprimer) mais la favorise à long terme.
Quel est le rapport avec la défense des droits des internautes américains ? Il s'agit d'une injonction de justice à laquelle Google a refusé de se soumettre, à savoir la remise de toutes les recherches effectuées durant une semaine par les internautes. La justice américaine souhaite ces données afin d'étayer son projet de loi Child Online Protection Act et plus particulièrement de contrôler l'accès aux sites pornographiques.
Si Google combat cette injonction en justice (alors que Yahoo et Microsoft auraient accedés aux demandes de la justice), ce n'est probablement pas en raison de ses supposées valeurs mais plutôt pour ne pas effrayer les internautes et que ceux-ci se tournent vers des moteurs de recherche alternatifs, ce qui diminuerait les revenus de l'entreprise.
Pourtant les internautes qui ont des choses à cacher ignorent peut-être que Google (et les autres moteurs de recherche) disposent d'un nombre important de données qui concernent leur utilisation du site. Ainsi Google pourrait fournir à la justice la liste de tous les sites cherchés par un internaute. Inutile de dire que si vous êtes soupçonnés d'un délit, mieux vaut que vous n'ayez pas traîné les jours précédents sur des sites expliquant comment maquiller ce même délit...
Pour passer au deuxième sujet, au sujet qui fâche et qui consterne la plupart des citoyens du monde, évoquons rapidement les désormais célèbres caricatures de Mahomet. Ces caricatures sont, pour les non-croyants du moins, d'une grande banalité et sont assez médiocres dans leur ensemble. J'imagine même que s'il n'avait pas été précisé qu'il s'agissait du prophète, personne n'y aurait porté la moindre attention.
Pourtant, quatre mois après leur publication, le monde arabe s'enflamme. De violentes protestations (on dénombre même des victimes) se déroulent à travers le monde et les absurdités s'enchaînent : Carrefour viendrait de retirer tous les produits danois de ses rayons au Moyen-Orient ! Ces fanatiques sont vraisemblablement manipulés tant il est difficile de croire que de simples dessins soient la cause d'un tel bordel.
Et pourtant... De nombreux journaux occidentaux ont republiés ces caricatures au nom de la « liberté d'expression ». Ne serait-ce pas plutôt pour mousser leur vente en profitant du scandale ? Où est la défense de la liberté d'expression dans la simple reproduction par un quotidien français de ces caricatures ? De mon point de vue, il s'agit plutôt d'un manque de respect, voire une provocation, envers une communauté qui a exprimé son mécontentement face à ces dessins. Ce manque de respect est l'apanage des puissants... ce qui me rappelle que certains quotidiens refusent de publier des articles dénonçant certains agissements de grands groupes qui achètent beaucoup d'espaces publicitaires dans leurs pages. Compréhensible mais quelle hypocrisie face aux caricatures !
Leur publication n'est-elle pas également d'un acte irresponsable vu les réactions suscitées à travers le monde ? Un quotidien jordanien ayant publié ces dessins, ne valait-il pas mieux laisser le monde arabe débattre du sujet plus posément sans donner de l'huile aux extrémistes qui attisent le feu ?
Pour conclure, une remarque sur le grand plan de George W. Bush de répandre la démocratie à travers le monde : ça semble avoir fonctionné en Palestine mais peut-être pas exactement comme il l'avait prévu...
Il y a d'abord eu Google, qui a annoncé l'ouverture d'un portail chinois (plus précisément un portail en Chine puisqu'une version chinoise de son site était déjà accessible). Cette annonce a été immédiatement critiquée dans le monde occidental (sauf par les investisseurs...), en particulier par Reporter sans Frontières qui écrivait le 25 janvier :
Reporters sans frontières est écoeurée d'apprendre que Google a décidé de lancer en Chine une version censurée de son moteur de recherche. Désormais, les internautes chinois devront se contenter des contenus validés par les autorités de Pékin. Exit les informations sur le Tibet, la démocratie ou les droits de l'homme en Chine.
Le lancement de Google.cn marquera un jour noir pour la liberté d'expression en Chine. Alors que cette entreprise défend les droits des internautes américains face à la justice américaine, elle bafoue ceux de ses utilisateurs chinois. Les déclarations offusquées de Google sur le respect de la confidentialité des internautes apparaissent comme un comble d'hypocrisie à la lumière de leur stratégie en Chine. Comme ses concurrents, cette entreprise nous explique qu'elle n'a pas le choix, car elle doit se plier aux lois locales. Mais cet argument a fait long feu. La liberté d'expression n'est pas un principe accessoire, que l'on peut mettre de côté lorsqu'on opère dans une dictature. [...]
Jusqu'à présent, Google censurait uniquement son outil d'actualité, Google News, excluant les contenus provenant de sites interdits par les autorités. Son moteur de recherche classique, hébergé aux Etats-Unis et accessible à l'adresse www.google.com/intl/zh-CN, n'était pas filtré. Google était ainsi le dernier des grands moteurs de recherche étrangers à n'avoir pas censuré sa version chinoise.
Plus précisément, que signifient ces trois paragraphes ? Les dirigeants politiques chinois ne permettent pas à leurs citoyens de s'exprimer ou de s'informer sur tous les sujets. Alors qu'en Europe on ne peut faire l'apologie du nazisme (une restriction à la liberté d'expression qui est peu décriée), en Chine de nombreux sujets à priori « inoffensifs » ne pourraient même pas être évoqués sans risquer de sérieux ennuis.
Les internautes Chinois recherchant des informations sur ces sujets devaient dont utiliser des moteurs de recherche accessibles de la Chine mais extérieurs à cette dernière, comme la version chinoise de Google. Dans ce cas aucun filtrage à la source mais supposément le passage à travers de multiples filtres et pare-feux gouvernementaux.
Maintenant, les Chinois seront redirigés sur le site Chinois de Google qui doit effectivement, s'il ne veut tout simplement pas être fermé par les autorités chinoises, s'adapter aux lois locales officielles et officieuses et donc censurer les résultats des recherches. Google a cependant annoncé que les internautes seront informés si le résultat a été censuré ou non, comme en Europe.
Presque tous les articles que j'ai lu sur le sujet mentionnent ce point mais aucun n'en tire la conclusion que j'en tire. À mon avis, cette indication fournie aux internautes est une véritable avancée. Pourquoi ? Les intellectuels chinois sont bien évidemment au courant qu'ils ne peuvent parler de démocratie par exemple. Par contre, au fur et à mesure qu'ils utiliseront Google, ils découvriront peut-être qu'ils ne peuvent parler de pollution des rivières (une simple hypothèse) et là naîtra le débat et la contestation du pouvoir; les internautes apprendront peu à peu quels sont les sujets dont le pouvoir souhaite contrôler le contenu. Je ne dirais pas que Google nuit à la liberté d'expression (après tout, il n'empêche personne de s'exprimer) mais la favorise à long terme.
Quel est le rapport avec la défense des droits des internautes américains ? Il s'agit d'une injonction de justice à laquelle Google a refusé de se soumettre, à savoir la remise de toutes les recherches effectuées durant une semaine par les internautes. La justice américaine souhaite ces données afin d'étayer son projet de loi Child Online Protection Act et plus particulièrement de contrôler l'accès aux sites pornographiques.
Si Google combat cette injonction en justice (alors que Yahoo et Microsoft auraient accedés aux demandes de la justice), ce n'est probablement pas en raison de ses supposées valeurs mais plutôt pour ne pas effrayer les internautes et que ceux-ci se tournent vers des moteurs de recherche alternatifs, ce qui diminuerait les revenus de l'entreprise.
Pourtant les internautes qui ont des choses à cacher ignorent peut-être que Google (et les autres moteurs de recherche) disposent d'un nombre important de données qui concernent leur utilisation du site. Ainsi Google pourrait fournir à la justice la liste de tous les sites cherchés par un internaute. Inutile de dire que si vous êtes soupçonnés d'un délit, mieux vaut que vous n'ayez pas traîné les jours précédents sur des sites expliquant comment maquiller ce même délit...
Pour passer au deuxième sujet, au sujet qui fâche et qui consterne la plupart des citoyens du monde, évoquons rapidement les désormais célèbres caricatures de Mahomet. Ces caricatures sont, pour les non-croyants du moins, d'une grande banalité et sont assez médiocres dans leur ensemble. J'imagine même que s'il n'avait pas été précisé qu'il s'agissait du prophète, personne n'y aurait porté la moindre attention.
Pourtant, quatre mois après leur publication, le monde arabe s'enflamme. De violentes protestations (on dénombre même des victimes) se déroulent à travers le monde et les absurdités s'enchaînent : Carrefour viendrait de retirer tous les produits danois de ses rayons au Moyen-Orient ! Ces fanatiques sont vraisemblablement manipulés tant il est difficile de croire que de simples dessins soient la cause d'un tel bordel.
Et pourtant... De nombreux journaux occidentaux ont republiés ces caricatures au nom de la « liberté d'expression ». Ne serait-ce pas plutôt pour mousser leur vente en profitant du scandale ? Où est la défense de la liberté d'expression dans la simple reproduction par un quotidien français de ces caricatures ? De mon point de vue, il s'agit plutôt d'un manque de respect, voire une provocation, envers une communauté qui a exprimé son mécontentement face à ces dessins. Ce manque de respect est l'apanage des puissants... ce qui me rappelle que certains quotidiens refusent de publier des articles dénonçant certains agissements de grands groupes qui achètent beaucoup d'espaces publicitaires dans leurs pages. Compréhensible mais quelle hypocrisie face aux caricatures !
Leur publication n'est-elle pas également d'un acte irresponsable vu les réactions suscitées à travers le monde ? Un quotidien jordanien ayant publié ces dessins, ne valait-il pas mieux laisser le monde arabe débattre du sujet plus posément sans donner de l'huile aux extrémistes qui attisent le feu ?
Pour conclure, une remarque sur le grand plan de George W. Bush de répandre la démocratie à travers le monde : ça semble avoir fonctionné en Palestine mais peut-être pas exactement comme il l'avait prévu...