Si tu m'apprivoises...

- Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé est pour moi inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as les cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit prince :
- S'il te plaît... apprivoise-moi, dit-il !
- Que faut-il faire ? dit le petit prince.
- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoieras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure du départ fur proche :
- Ah ! dit le renard... je pleurerai.
- C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
- Bien sûr, dit le renard.
- Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
- Bien sûr, dit le renard.
- Alors tu n'y gagnes rien !
- J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Extraits du chef-d'oeuvre d'Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince.