La lumineuse idée de Thierry Breton

Publié le par Les tourtereaux

Thierry Breton, notre ministre des finances depuis l'éphémère passage du bien logé Hervé Gaymard, a accordé lundi un entretien au quotidien économique « Les Échos ». Il s'agissait de préciser la pensée du flamboyant premier ministre, qui déclarait jeudi dernier vouloir mettre en place la retenue de l'impôt à la source.

Pour mes lecteurs québécois, une parenthèse : en France, l'impôt sur les salaires est payé avec un an de retard. Ainsi, les tourtereaux terminent tout juste de payer leur impôts sur leurs revenus de 2005. Il faut cependant savoir qu'en France on distingue les charges sociales, prélevées à la source (et donc déduites de la fiche de salaire) de l'impôt sur le revenu comme tel, tandis qu'au Québec les deux sont confondus et connus sous le nom d'impôt. Le système français est donc hybride.

Le ministre annonce une concertation : un groupe de « trois personnalités » devra consulter « entreprises, partenaires sociaux, caisses de retraite, associations de contribuable... » et remettre son rapport « fin février - début mars ». On comprend que ça presse, la grande valse électorale étant prévue pour le printemps 2007. Cependant, on voit mal comment trois personnes en deux mois pourront « organiser le débat » !

La retenue de l'impôt à la source est logique. Avec le système actuel, une année maigre (une baisse de revenu induite par le chomâge ou d'autres événements, la première année de retraite) est assez difficile car il faut s'acquitter de l'impôt sur le revenu de l'année précédente. À contrario, une hausse de revenu est un cadeau instantané puisque cette hausse n'est qu'entièrement taxée l'année suivante.

Cependant, comment faire pour passer d'un système à un autre ? Le ministre souhaitant que le changement soit effectif le 1er janvier 2009, on se pose la même question que le quotidien économique :

Comment régler le cas de l'imposition des revenus de l'année 2008 ?

C'est une des questions les plus importantes que le débat devra éclairer. Je propose que 2008 soit une année blanche sur le plan fiscal. Autrement dit, les revenus de cette année-là ne seront pas imposés. Les contribuables acquitteront en 2008 l'impôt sur leurs revenus de 2007 et, dès janvier 2009, celui sur leurs revenus de l'année en cours. C'est une solution où chacun est gagnant : le contribuable qui ne paiera pas d'impôt sur ses revenus 2008, mais aussi l'Etat, car il percevra en 2009 des recettes fiscales plus élevées que si l'assiette avait été celle des revenus 2008.

Cool, j'aurai une année d'impôt de moins à payer dans ma vie de contribuable ! J'imagine que je ne m'en plaindrai pas lorsque je prendrai ma retraite dans... 40 ans. Par contre, c'est un véritable cadeau pour ceux qui quitteront la vie professionnelle bientôt ! Le raisonnement est également correct pour le bénéfice de l'état. Cependant, à y réfléchir deux minutes, il y a une deuxième question qui nous vient immédiatement à l'esprit :

N'allez-vous pas encourager des comportements fiscaux opportunistes sur l'année 2008 ?

Il faudra évidemment regarder comment l'éviter. C'est pour cela qu'il convient de mettre ce sujet en débat. En tout cas, ce sera sans doute une bonne année pour la consommation, car les Français disposeront d'une année de non-imposition.

Relevons tout d'abord la contradiction flagrante : comment, si les recettes de l'état seront plus élevées en 2009, la consommation en sera-t-elle favorisée ?

C'est quand même bien que le ministre ait pensé à « regarder » ce qui se passerait si on déclare 2008 année « blanche ». Une partie de la population, favorisée par le hasard, pourra maximiser ses revenus en 2008 (réalisation de profits fonciers ou boursiers, primes exceptionnelles, etc.) mais notre brillant technicien a-t-il oublié les crédits d'impôt ?

Comment fera une famille devant payer une nounou de septembre 2007 à février 2009 par exemple ? Exit la déduction d'impôt en 2008. Et les dons aux oeuvres de charité ? Exit la déduction d'impôt en 2008. Et les crédits d'impôt pour la réduction de la consommation énergétique ? Ces crédits sont suffisamment importants (50%) pour que leur absence ne passe pas inaperçue. Les dons se tariront, les employés de maison seront remerciés, certaines entreprises auront un dure année... Une telle année « blanche » aura donc des répercussions sismiques profondes sur certains circuits économiques et pénalisera arbitrairement une partie de la population pour en favoriser une autre. Un autre exemple : si la vente d'un bien immobilier n'est pas taxée en 2008, on peut à coup sûr miser sur un effondrement du marché, avec des conséquences que les économistes n'entrevoient que dans leurs cauchemars.

Conclusion : l'annonce de Thierry Breton est vide de sens. Les Français y sont favorables et le duo Villepin-Breton souhaite faire miroiter avant l'échéance électorale une année sans impôt où tout le monde gagne alors que c'est tout à fait impossible sous la forme annoncée. Cette réforme se fera (Bercy la prépare et les socialistes y sont également favorables) mais les détails ne seront connus qu'une fois le « débat » achevé. Et ça risque d'être beaucoup moins rose.

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B
Mmmm... Je ne suis pas complètement d\\\'accord. Ne pas confondre crédit d\\\'impôts et déduction d\\\'impôt.Supposons que je doive payer 100 euros d\\\'impôts sur le revenu.- Avec un crédit d\\\'impôts de 60 euros, je payerai 40 euros.- Avec un crédit d\\\'impôts de 160 euros, l\\\'état me donnera 60 euros.- Avec une déduction d\\\'impôts de 60 euros, je payerai 40 euros.- Avec une déduction d\\\'impôts de 160 euros, je payerai rien et ne toucherai rien.Les dons sont déduits de 50 à 60 % des impôts. De mémoire, les chèques emploi service sont aussi des déductions, et non des crédits d\\\'impôts ! En crédit d\\\'impôt, il y a par exemple la prime à l\\\'emploi.Supposons que je doive payer 1000 euros d\\\'impôt, et que je souhaite faire un don de 100 euros à Amnesty International (déduit à 60%).- année normale :    - je donnerai 940 euros à l\\\'Etat    - je donnerai 100 euros à Amnesty    - bilan : j\\\'ai dépensé 1040 euros- année "blanche" :    - je donnerai 0 euros à l\\\'Etat     - je donnerai 100 euros à Amnesty     - bilan : j\\\'ai dépensé 100 eurosAlors, d\\\'accord, l\\\'Etat ne prendra pas en charge les 60 euros, mais globalement, j\\\'ai quand même économisé 940 euros !Pour les gens qui ne sont pas imposables, cela ne changera rien. Je ne pense pas que les crédits d\\\'impôts soient supprimés. Ca ne serait pas très bon politiquement.Là où cette démarche me gêne, c\\\'est que c\\\'est un (gros) cadeau fait aux classes aisées (celle qui paye des impôts), et que ça ne peut faire qu\\\'accentuer les écarts. Pas cool.
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Ã
Effectivement, je n'ai pas attention à la nuance entre crédit et déduction d'impôt. Merci de la précision ! Je me plaçais dans l'optique des ménages suffisamment imposables pour qu'il n'y ait pas de différence.Ton calcul est exact mais fallacieux (ce n'est pas un reproche) car je peux le reformuler ainsi, en supposant que l'année blanche soit 2008 et que l'impôt augmente disons de 2% par an (par inflation) :Méthode normale :  - Je fait 100€ de don en 2008  - Je verse 940€  (1000€ - 60% x 100€) à l'état en 2009  - Total : 1040 €Méthode "blanche" : - Je fait 100€ de don en 2008 - Je verse 1020€ (1000€ + 2% x 1000€) à l'état en 2009 - Total : 1120 €Ce calcul est également fallacieux car j'omets de mentionner que je n'aurai pas à verser 1000€ d'impôts en... 2045 (en supposant que j'aie la chance de conserver des revenus élevés jusque là).On est donc naturellement amené à réduire les dépenses qui normalement donnent lieues à des déductions d'impôts, d'où les répercussions mentionnées dans mon article.Les plus favorisés par cette mesure sont ceux dont la retraite est proche, la dévaluation de la monnaie n'ayant pas le temps de réduire considérablement la valeur du « transfert » de l'économie d'impôt de 2008 à 20xx, où 20xx est l'année où les revenus diminuent de façon importante.
M
Un nouvel avatar du fameux dicton "Les promesses n'engagent que ceux qui y croient" !Surtout en période électorale...
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Ã
Ce qui me fait penser que les socialistes viennent de « promettre » d'annuler les baisses d'impôts promises par l'UMP il y a cinq ans. J'espère qu'ils n'annuleront pas l'équivalent d'une baisse de 30% car vu comment Chirac avait menti (pouvait-il vraiment penser baisser l'impôt d'un tel montant vu le déficit récurrent ?) on n'y gagnera pas au change !